Sous la colline olympique d’Elancourt, la carrière de la Revanche : une histoire italienne

Samedi 15 juin 11h, Place de Paris à Elancourt

De 1920 à 1940, des centaines d’ouvriers italiens et leurs familles quittent leur petite ville de Giaveno et des environs, dans le Piémont italien, pour venir travailler à la carrière de la Revanche située sous ce qu’on appelle aujourd’hui la colline d’Elancourt, site des prochains Jeux Olympiques.

Bien avant de devenir un dépôt de déchets et gravats, elle était l’une de plusieurs carrières (par exemple près de la Mare aux Saules ou à l’orée de la forêt de Ste-Appoline, …) d’où on extrayait le sablon et la pierre meulière, qu’on trouve encore aujourd’hui sur nombre de maisons et bâtiments de notre région.

De Giaveno à Elancourt

Cette émigration n’est pas spécifique à la Seine-et-Oise. En 1931, on compte 800.000 italiens en France, faisant de la France le premier pays d’accueil de l’immigration italienne, le Piémont en étant le principal pourvoyeur. Aux raisons économiques – la misère sociale – s’ajoutent les motifs politiques avec la prise de pouvoir de Mussolini et l’avènement du fascisme en Italie. En outre, cette main-d’œuvre courageuse et dure au travail était recherchée dans un pays en reconstruction après la guerre.

C’est ainsi qu’en l’espace de 15 ans, de 1921 à 1936, on peut estimer qu’une centaine d’ouvriers ont été employés à la carrière de la Revanche, soit 200 à 250 individus, femmes et enfants compris.

Certaines de ces familles habitaient sur le site même de la Revanche, d’autres à Elancourt (la Muette, le Mousseau, le Village), à Plaisir (les Gâtines, la Chaîne, le Buisson, les Moulins, Sainte-Apolline) et, dans une moindre mesure, à Trappes.

Les « forçats des carrières »

Les travaux d’extraction étaient durs, pénibles et dangereux. Leurs outils ? La pioche, la pelle, la masse, le marteau, la barre à mine. Les accidents n’étaient pas rares, des cas de morts au travail sont relatés comme en ce 29 novembre 1927 où un ouvrier italien, Meizonna, est tué et un autre, Louis Ughetto, gravement blessé suite à une explosion prématurée.

Ils s‘appelaient Ughetto, Usseglio, Portigliatti, Giai, Lussiana … Comme des milliers de leurs compatriotes, ils ont été pris dans la tourmente des années 1930, ont connu le déracinement, le racisme, la peur de l’expulsion, mais aussi l’espoir avec l’avènement du Front Populaire. Ils sont nombreux à s’être illustrés dans la Résistance. Sur les 23 fusillés du groupe Manouchian, cinq étaient des Italiens FTP-MOI (Francs Tireurs et Partisans – Main d’œuvre Immigrée).

Cet été, la colline de la Revanche accueillera les Jeux Olympiques. Des sportifs du monde entier, des milliers de spectateurs fouleront chargée d’histoire.

Quel symbole ! Quel clin d’œil de l’histoire de voir cette terre de courage, d’endurance et de souffrance, mais aussi d’accueil, de solidarité et de fraternité, devenir l’espace d’un moment un site de l’Olympisme qui est censé promouvoir ces mêmes valeurs !

Le combat à mener aujourd’hui contre les idées d’extrême droite, les nationalismes ne rappellent ils pas les luttes antifascistes et antiracistes des années 1930 ? Les actions menées contre la précarité, pour des
conditions de travail dignes, notamment pour les travailleurs embauchés pour les Jeux Olympiques, ne font celles des carriers et des terrassiers d’avant guerre ?

Cette histoire témoigne une nouvelle fois de la diversité de l’histoire ouvrière du département et de son lien avec l’immigration. Elle illustre l’apport de la main d’œuvre immigrée à différentes périodes et dans de nombreux secteurs dans la satisfaction des besoins de la population. Elle souligne, dans le même temps, l’hypocrisie consistant à toujours réduire les droits de ces travailleurs essentiels, comme l’incarne scandaleusement la loi immigration votée en décembre 2023.

On le voit bien, si les périodes ne sont évidemment pas comparables, l’exigence d’humanisme, d’universalisme, de respect de l’autre, de luttes contre toutes les discriminations, de progrès social, traverse les époques.

L’histoire de ces « forçats des carrières » devrait être mieux connue et mérite qu’elle s’inscrive dans les récits historiques des villes où ils ont travaillé et habité. Le passé ne doit pas s’effacer ! Ce ne sera que leur rendre justice. Et la colline aura alors eu sa Revanche !

Rassemblons nous
Samedi 15 juin 11h
Place de Paris à Elancourt

De là, nous irons au pied de la colline de la Revanche

Photos : François G. Roche,: François G. Roche, « La vallée de Chevreuse et la forêt de Rambouillet », , Edition de l’Arbre aux Papiers

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